“ La création de contenu s’est démocratisée ” : Bruno Laporte, Dentsu Creative France

Bruno Laporte, Head of Cultural & Social Behaviour, réfléchit à l’évolution de l’entertainment à l’ère du numérique.

出自 Mark Tungate , AdForum

Qu'est-ce que l'industrie de l’entertainment aujourd'hui ? Les stars d'Hollywood continuent de défiler sur le tapis rouge (bien que cette année il ait été de couleur champagne) pour les Oscars. Pourtant, la part d'attention que nous accordons au cinéma a diminué. Les chaînes de télévision traditionnelles ont également du mal à rivaliser avec le streaming, les réseaux sociaux ou les jeux vidéo. Quelle en est la signification pour les agences et les marques ? Nous avons posé six questions à un spécialiste de la culture et du social de Dentsu Creative.

Avec le développement des “créateurs” sur les réseaux sociaux, la frontière entre les créatifs en agence et les consommateurs s’est estompée. Comment les agencies peuvent-elles en tirer un avantage ?

Bruno Laporte: A une époque, les agences créaient la culture, définissaient les tendances et nourrissaient les talents. Mais internet et les réseaux sociaux ont démocratisé la création de contenu. Ils permettent aussi de regrouper les audiences en fonction de leurs passions et de leurs centres d’intérêts. Cela n’a pas seulement impacté la publicité, mais aussi le cinéma et la télévision. A la place d’une culture populaire globale, vous avez maintenant un nombre de micro-cultures qui évoluent constamment, mais qui n’ont que peu de liens les unes avec les autres. Un consommateur Gen Z peut passer des heures à regarder du contenu sur un sujet spécifique sur Youtube alors que personne, dans son entourage, ne partage son intérêt.

Alors que les agences ont beaucoup à offrir du point de vue créatif, conceptuel et stratégique, il y a un avantage clair à collaborer avec des créateurs de contenu, car ils sont les plus connectés avec ces communautés, tout en étant authentiques et dignes de confiance. Ils peuvent nous apporter une énorme quantité d'informations et d'idées créatives. La clé, c’est de les intégrer pour bénéficier de leurs forces en ajoutant nos propres expertises et connaissances des marques.

Le “métavers” est à la mode depuis quelques mois. Quelles sont les opportunités pour les marques actuellement ?

Chez Dentsu, nous disons : “Le métavers est près mais pas prêt.” Je suis convaincu qu’il va arriver sous une forme ou sous une autre, mais maintenant, il n’existe pas encore. Toutes les marques, agences, et entreprises de la tech qui affirment faire des choses dans le “métavers” parlent en fait de jeux vidéos, web3 ou réalité virtuelle, mais ce n’est pas le métavers comme un espace immersif et partagé tel que l’on peut le voir dans les films de science-fiction…

Comme “Ready Player One” ?

Exactement : c'est encore loin d'être le cas. Mais peut-être y a-t-il une autre façon de voir le métavers. Peut-être est-ce le moment où vous réalisez que votre vie "numérique" est presque aussi importante, voire plus, que votre vie réelle. Et pour certaines personnes, c'est déjà le cas. Bien que je ne passe pas tout mon temps dans un espace virtuel, je passe du monde physique au monde numérique de manière native, fluide et directe. Pour moi, c'est une sorte de métavers.

Il y a quelques années, les appareils de réalité virtuelle étaient des sujets de discussions à Cannes. Mais à ce jour, je n’ai pas vraiment constaté un réel enthousiasme pour eux parmi les consommateurs ou les marques ? Pourquoi ?

Avec la réalité virtuelle nous sommes à peu près au même niveau que nous étions à la fin des années 1990, avec les mobiles comme le Palm, avec lequel vous pouviez déjà accéder à internet et télécharger des applications, mais ils étaient réservés à un petit groupe de professionnels et de geeks. Ils n’étaient pas utilisés par le grand public. Donc, ce que nous n’avons pas encore vu dans le domaine de la réalité virtuelle, c’est le “moment iPhone”, l’appareil que tout le monde veut. Les appareils de réalité virtuelle sont toujours plutôt chers et encombrants, et le contenu n’est pas encore si développé.

On dit souvent que les gameurs sont allergiques aux messages commerciaux dans leur environnement. Cela a-t’il évolué ?

Vous parlez d’un public énorme : les chiffres les plus récents évoquent 3 milliards de joueurs, soit près de la moitié de la population mondiale. Tout le monde ne pense pas la même chose dans ce public! Cela va des gens qui suivent l’e-sport à ceux qui jouent de manière ocasionnelle sur leurs téléphones. En fait, chez Dentsu, nous avons lancé une étude qui segmente les joueurs par leurs raisons de jouer. Les profils incluent des gens qui jouent pour la compétition; ceux qui jouent pour s’évader, ceux qui jouent pour passer le temps, ceux qui jouent avec des amis… Cela nous a permis d’identifier de nouveaux publics cibles et mis en évidence la variété des profils de gameurs.

La publicité ciblant les gameurs est d’abord apparue dans les jeux sur mobile; elle y était intrusive et interférait avec le jeu sans vraiment cibler le joueur. Il y a donc eu une forme de rejet de la publicité. Mais il y a désormais un nombre de formats publicitaires qui améliorent l’expérience du jeu, soit avec un contenu premium, soit avec la possibilité de gagner des vies en plus ou des bonus… Depuis 2020, dans des jeux comme Fortnite, Roblox ou Minecraft, les marques ont trouvé un moyen de créer du divertissement, des avantages ou des services que les joueurs apprécient réellement

J’ai pu, depuis quelques années, observer l’émergence d’agences e-sports. Comment les grandes agences réagissent-elles face à ces concurrents plus petits et plus agiles ?

Les grandes agences ont toujours collaboré avec des agences spécialisées, et elles peuvent certainement le faire dans ce cas. Avant tout, les grandes agences ont des réseaux mondiaux. Ici chez Dentsu, nous avons une grande communauté internationale dédiée aux jeux vidéo, avec des experts de chaque pays qui collaborent et partagent leurs expériences. Nous disposons donc d'une ressource à laquelle nous pouvons faire appel pour répondre à un besoin. Dentsu a également un ancrage historique au Japon, où nous collaborons avec tous les plus grands producteurs de jeux. C'est un écosystème que les petites agences ne peuvent pas offrir.

Les services de streaming comme Netflix domine l’industrie audiovisuelle du divertissement et ils sont sans publicité. Commes les agences peuvent-elles travailler avec ces nouveaux géants ?

Il y a d’abord le placement produit comme nous avons vu sur Netflix avec Pepsi dans “Stranger Things” ou McDonald’s dans “Emily in Paris”. Et même s’il est vrai qu'il n'y a pas encore de publicité sur les grandes plateformes de streaming, Netflix, Disney+ et Amazon Prime ont annoncé ou testent des abonnements plus abordables qui incluent de la publicité. Tout le monde ne peut pas se permettre d'avoir trois ou quatre abonnements, donc les clients annulent. Afin de les garder, les services de streaming peuvent leur proposer une offre moins chère soutenue par la publicité.

C’est la revanche de la publicité !

On peut le dire, oui. 


Bruno Laporte
Head of Cultural & Social Behaviour DENTSU CREATIVE

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