Existe-t'il une French Touch dans l’industrie publicitaire ? Pour répondre à cette vaste question
nous avons démarré, à Cannes, une série d’interviews en collaboration avec l’AACC. Nous la
continuerons tout au long de cette année.
Pour mieux cerner notre sujet, nous avons décidé de le prendre par les deux bouts (Pierre Dac n’aurait pas dit mieux !) et tenter ainsi de répondre aux deux questions fondamentales :
1°- La French Touch est elle soluble à l’étranger ?
2°- La French Touch peut elle être transmise par un stage d’immersion ?
Les interviews qui émailleront notre enquête seront donc réalisés auprès de deux échantillons de population distincts : des publicitaires français exilés à l’étranger d’une part, et des « AdMen » importés sur notre hexagone d’autre part.
En préambule voici nos premières réflexions inspirées de nos entretiens à Cannes:
- Le respect du travail artisanal serait une marque de fabrique tricolore : à la question «qu’est ce qui définirait pour vous le mieux la French Touch ?», une des réponses les plus fréquentes est « l'exigence dans la réalisation : le « craft » . Les solutions « rapides et faciles » (Quick & Dirty ) n’auraient pas les faveurs de nos créatifs.
Est ce vraiment une surprise ? La France, et Paris en particulier, a toujours été regardée comme la patrie des marques de luxe. Ces marques ont par nature une exigence de qualité qu’elles imposent à leurs artisans, leurs fournisseurs et de facto à leurs agences et sociétés de production. Si vous regardez les annonces de Dior ou Louis Vuitton, ou encore les films pour Cartier, vous noterez cette recherche de la perfection. Il serait donc logique que cette exigence ait déteinte sur d’autres secteurs, moins évidents : les publicités pour Air France pourrairnt en être une très belle illustration.
- La dérision comme antidote à la grosse tête : les Français sont capables de se moquer de leurs propres icônes : vous vous rappellerez peut-être Karl Lagerfeld vêtu d’un gilet jaune fluorescent pour la sécurité routière. C’est certainement le seul pays ou le directeur artistique d’une marque de luxe est aussi une marque connue de tous.
- La technologie au service de la création et non le contraire : Longtemps accusées d’être à la traîne des Anglo-Saxons en terme de technologie, les agences françaises sont désormais digitales mais semblent mettre un point d’honneur à ne pas se laisser déborder par la technique et garder un côté artistique et esthétique. N’oublions pas que, comme l’industrie du luxe, la France est la patrie de certains des plus grands producteurs de jeux vidéos dans le monde. Assassin’s Creed, ”c’est nous”.
- French Touch or French Attitude ? Il semble que, selon les créatifs français ayant eu à travailler à l’étranger et notamment aux USA, l’apport de la « French Touch » puisse provoquer quelques remous dans l’organisation d’une agence.
Tous nos interviewés ont remarqué, lors de leurs séjours chez nos cousins outre Manche et océan, combien, là bas, tout semblait bien structuré. Les réunions ont la drôle d’habitude de démarrer et se terminer à l’heure et, le plus souvent, se déroulent sans remous ni violentes joutes verbales.
La présence de Français dans ces organisations bien réglées peut engendrer un peu de désordre, qualifié par nos interviewés de « salutaire ». En important dans les salles de réunions ce sens de du débat, de la contestation voir de la discorde qui a fait la réputation des Gaulois, nos créatifs pensent apporter un élément moteur au processus créatif. L’approche générale du travail est certes plus improvisée mais de ces échanges et du chaos naîtront les idées.
L’humour comme élément fondamental de la stratégie : l’amour français du débat et de l’opposition brille aussi à travers l’humour. Quelques uns des moments les plus drôles des spots français sont nés de cet esprit un peu « révolutionnaire ». Regardez ce classique qu’est devenu l’ours de Canal +. Une carpette, une peau d’ours en fait, qui pense qu’il est un réalisateur, jetant une pile de papiers dans l’air durant une réunion. Il crie : « Je m’en fouuuus ! » On se met tous à rire. Et pourtant l’ours est étrangement crédible : quant au spot, il est superbement réalisé. C’est aussi ça la « French Touch ».